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Dans cet entretien, le général (2S) Jean-Marc laurent, lequel est responsable de la chaire Défense & Aérospatial à Sciences Po Bordeaux et a assuré la conception de l’AD2S, présente le programme de conférences « Cru 2024 » dont le fil rouge reflète les problématiques sécuritaires qui animent le monde d’aujourd’hui, à savoir la résurgence d’un conflit majeur à haute intensité.

Cycle de conférences AD2S 2024 : « un fil rouge dicté par les problématiques sécuritaires actuelles »

Par Murielle Delaporte - Entretien avec le général (2S) Jean-Marc Laurent, responsable de la chaire Défense & Aérospatial à Sciences Po Bordeaux, qui en a assuré la conception

 

Héritier de l’ADS Show créé en 2012, l’AD2S reprend le flambeau de ce salon aéronautique singulier. Singulier par sa conception, fruit d’une coopération entre le ministère des Armées et la Région Nouvelle-Aquitaine, mais aussi par sa thématique qui met en relief, conjointement, l’activité technico-opérationnelle de l’aérien civil, militaire et dual. Comme son prédécesseur, AD2S va se tenir fin septembre sur la Base aérienne de Mérignac et devrait réunir plus de cent cinquante exposants et de nombreux visiteurs nationaux, européens et internationaux.


Comme de coutume également, l’événement inclut des démonstrations techniques des forces de la troisième dimension, issues de toutes les armées et représentatives des activités en opération. Ces démonstrations impliqueront aussi l’industrie nationale de défense dont le rôle capacitaire est central. En France, la Base industrielle et technologique de défense (BITD) n’est pas seulement un fournisseur de capacités, elle est un acteur à part entière de la posture nationale de défense.


Le salon proposera par ailleurs un cycle de deux conférences quotidiennes rassemblant de nombreux panélistes issus des mondes militaire, industriel et universitaire, français et européens. Le fil rouge du « Cru 2024 » reflète les problématiques sécuritaires qui animent le monde d’aujourd’hui, à savoir la résurgence d’un conflit majeur à haute intensité (nous dirons conflit M&HI). Distinguons en effet conflits majeurs et conflits à haute intensité. Les premiers ont un impact définitif sur l’ordre géopolitique mondial. Ce fut le cas des grands conflits mondiaux du XXème siècle à l’issue desquels rien n’était « plus comme avant ». La Guerre froide entre aussi dans cette catégorie, même si l’intensité ne s’est traduite que dans des guerres régionales ou des postures de défense en Europe. A l’inverse, certaines confrontations peuvent être de haute, voire très haute intensité, sans constituer pour autant un tournant majeur pour l’humanité. En outre, cette forte intensité n’est pas toujours perçue ou vécue de la même façon dans tous les milieux. Ainsi, le Kosovo consacra la haute intensité dans l’aérien et l’Afghanistan plutôt dans le terrestre. Mais ces deux engagements, aussi durs furent-ils parfois, ne bouleversèrent pas la face du reste du monde.


Aujourd’hui, la crainte de nos sociétés occidentales est que leurs armées aient à affronter un conflit à la fois majeur et de haute intensité face à un compétiteur international décidé à employer la force pour imposer un modèle politique ou sociétal ou pour réagir à une pression économique mondiale. Cette crainte se double d’une inquiétude quasi existentielle pour nos armées françaises et européennes qui ont été particulièrement impactées par trois décennies de contraction capacitaire au nom de dividendes d’une paix illusoire ou de maîtrise budgétaire dont on connaît le malheureux résultat. Tous les forces militaires ont été touchées, celles de l’aérien entre autres. En la matière, le Maintien en Condition Opérationnelle Air (MCO-A) a été fortement sollicité. Confronté à des transformations parfois déstabilisantes, il a, par ailleurs, été soumis à une forte activité dans de nombreux théâtres opérationnels.


Toute la question à laquelle ce cycle de conférences se propose de répondre est de savoir comment anticiper et préparer l’écosystème aéronautique, civil et militaire, à ce choc éminemment brutal que constituerait un conflit M&HI (voir programme >>> Programme - AD2S Aerospace & Defence Support and Services (bciaerospace.com)

Le premier panel, prévu le 25 septembre au matin et intitulé « Le MCO aéro de défense confronté à une conflictualité majeure », doit permettre de traduire la notion de conflit M&HI en réalité opérationnelle et technico-opérationnelle : intensité du soutien technique, impact de l’inévitable dispersion des forces et des flux logistiques, risques d’attrition ou dommages de guerre, etc. En cela, les OPEX connues depuis trois décennies ne peuvent servir de référence directe. Si certaines ont connu des phases HI, parfois dures et cruelles, elles ne l’ont été que par phases, et pas de façon semblable dans tous les milieux d’engagement. Et même si elles ont donné lieu à des actions opérationnelles remarquables, à des actions de bravoure incomparables et si trop de valeureux soldats y ont donné leur vie, elles n’ont pas pour autant affaibli les armées occidentales au point de s’interroger sur leur existence même. Se concentrant sur le domaine aérien, les intervenants de ce panel, officiers généraux issus des forces françaises et alliées, dresseront un tableau des conséquences technico-opérationnelles qu’un conflit de type M&HI serait susceptible d’entraîner, en particulier sur le plan du MCO-A et ils évoqueront les stratégies mises en place ou envisagées pour y faire face.


L’après-midi, un second panel intitulé « Une économie du MCO Aéro qui se prépare au conflit » se concentrera sur la traduction industrielle de ce que signifie une montée en puissance de l’effort de guerre dans les institutions ou structures qui produisent ou gèrent du soutien technique : adaptation des relations Etat-Industrie, évolution des paramètres de production, animation d’une Supply-Chain de « combat », approvisionnement en ressources stratégiques, gestion logistique pour nourrir les flux vers les forces, mise en condition du corps social, etc. De hauts responsables de la DMAé, du SIAé, de la DGA et des dirigeants industriels d’Airbus Helicopters, de Dassault Aviation, de Sopra Steria et de Thales partageront leurs regards sur les stratégies industrielles à innover et sur l’anticipation en cours des appareils de production de la BITD aérospatiale, en particulier dans le domaine du MCO-A. Le panel sera donc totalement complémentaire et indissociable de celui du matin.


La seconde journée, le 26 septembre, se concentrera sur l’innovation dans le domaine du MCO-A mais au travers de ses effets militaires. Innover pour combattre !

 

Un premier panel sera ainsi intitulé « L’innovation dans le MCO Aéro, facteur de puissance aérienne » proposera des stratégies d’innovation dont les natures révéleront assurément l’étendue du besoin en la matière. Qu’elles concernent les domaines logistique, technique ou encore digital, elles seront associées des exemples concrets qui montreront comment l’innovation en matière de MCO aéro peut faciliter l’acte de MCO, mais aussi accroître la puissance aérienne. A cet égard, l’objectif est de montrer que, sans chercher à compenser la masse opérationnelle que seul permettrait un franc et durable effort budgétaire, l’innovation peut toutefois accroître les effets militaires et la résilience des forces et, in fine, concourir à faire la différence sur le terrain. Des exemples concrets seront proposés par les intervenants issus de l’innovation de défense (DGA-AID), des forces ou de la BITD.


Le second panel fera un focus sur les innovations du MCO aéro dans le domaine du développement durable. Toutefois, et de façon à répondre à l’enjeu du cycle de conférences, il s’agira de mettre en exergue les innovations permettant, simultanément, de réduire l’impact environnemental des systèmes d’armes, et autres outils techniques de l’aérien, tout en augmentant leurs puissances opérationnelles. Pour bien comprendre la finalité du panel, citons l’exemple des moteurs d’avions de combat qui, par une moindre consommation liée à l’innovation, permettent de réduire leur impact environnemental, mais aussi d’accroître les durées d’engagement (playtime) sur une zone d’intervention et, donc, leur performance opérationnelle. Les intervenants, des forces armées et de l’industrie aérospatiale, présenteront des exemples concrets de ce type de développement « gagnant-gagnant ».


Enfin, une troisième journée de conférences, le 27 septembre, sera dédiée à la dimension humaine avec un premier panel portant sur « le défi de l’emploi et du maintien des compétences dans le MCO-A ». Les problématiques d’emploi, de recrutement, de fidélisation, de féminisation, etc. sont d’ores et déjà cruciales, voire problématique dans l’aérien, civil ou militaire. En cas de confrontation M&HI, l’ampleur du défi humain sera encore plus grand et celui lié au MCO-A le sera encore plus. Le panel, composé d’experts civils et militaires des ressources humaines et de l’emploi dans l’aérospatial, va s’efforcer d’une part de dresser un état des lieux en la matière, et d’autre part d’offrir une perspective. Il tentera ainsi de répondre aux questions suivantes : Comment rendre attractif les métiers de l’aérien et comment fidéliser les ressources recrutées ? Comment intégrer des générations nouvelles dans un écosystème où, dès le temps de paix, le collectif prévaut sur l’individualisme et où, en temps de conflit, son sort personnel doit laisser place à un engagement obligé et exigeant ? Comment, du fait d’un conflit M&HI, passer à une posture qui altèrera profondément l’organisation du travail ? Etc.


Produire des techniciens de l’aéronautique, et en particulier du MCO, à niveau de qualité et de performance égales, mais plus vite, pour répondre à l’intensification des opérations militaires, requiert d’innover en termes de formation, tant initiale que continue, tant au sein des Armées qu’au sein des entreprises. Ce défi sera l’objet de ce dernier panel AD2S qui tentera de dévoiler des stratégies de formation permettant de réduire les temps d’apprentissage tout en garantissant la qualité des techniciens produits. Ce panel cherchera également à savoir ce qu’il est possible de faire en matière de formation MCO-A pour qu’accélération ne rime pas avec moindre qualité, mais augmentation de capacité opérationnelle dans l’industrie comme dans les forces. Il donnera la parole à des formateurs de l’aérospatial, civil et militaire, qui interviennent à différents niveaux et stades de formation (écoles, centres, entreprises) et mettent en œuvre des stratégies d’enseignement, des outils pédagogiques et des relations enseignants-apprenants en mesure de répondre à l’enjeu. Au-delà de la pédagogie, seront aussi abordées les questions normatives, dont la navigabilité, face au besoin potentiel de les adapter à une circonstance conflictuelle.

 

En synthèse, ce cycle de conférences s’inscrit totalement dans les enjeux stratégiques du contexte actuel marqué par l’évidente fragilité de la Paix internationale. Il se veut regarder la réalité en face et être une contribution, même modeste, à l’anticipation nationale face à un conflit majeur et à haute intensité. S’il se concentre sur la dimension aérospatiale et, en particulier, à son axe MCO, les échanges qui y prendront place pourront assurément se transposer à d’autres milieux, de la même façon que le RETEX de ces derniers enrichit les réflexions MCO-A.

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