La transformation du MCO-A face au risque d’un engagement majeur et de haute intensité ou comment gérer le risque opérationnel
Par Murielle Delaporte - Série Conférences AD2S -
Introduction : synthèse du cycle de conférences AD2S
Cette synthèse est un prélude à notre série prochaine reprenant les idées forces des trois jours de conférence particulièrement riches qui ont eu lieu lors du Salon AD2S du 25 au 27 septembre dernier.
Lors de la première journée du cycle de conférences AD2S, cycle axé sur la transformation du maintien en condition opérationnelle aéronautique (MCO-A) face au risque de convergence d’un conflit de haute intensité et d’engagement majeur, les intervenants des deux panels de cette journée se sont tous accordés pour souligner un véritable « changement de paradigme opérationnel » avec une dynamique de recours à la force marquant le recul de l’ordre international de l’après- seconde guerre mondiale.
Agilité, robustesse, connectivité (avec un impératif de MCS pour « maintien en condition de sécurité »), innovation, mais aussi dispersion des moyens aéronautiques et entraînement adapté doivent permettre de faire face à la perspective d’engagements de grande violence et au spectre de l’attrition, auxquels tous les acteurs du MCO-A doivent se préparer pour aller à l’essentiel : la « gestion du risque opérationnel ».
De l’avis des participants, un changement d’état d’esprit est ainsi requis d’autant que le formatage des équipes industrielles depuis une quinzaine d’années est davantage orienté vers la prévention des pannes plutôt que de trouver des solutions rapides de régénération de matériels éprouvés par les dommages de guerre. Des solutions existent déjà qui ne demandent qu’à être mises en place, mais le maître-mot à retenir est la nécessité d’une approche collective au sein de l’écosystème du MCO-A.
La seconde journée de ce cycle de conférences AD2S s’est focalisée sur l’innovation dans le domaine du MCO-A face au double-défi d’un cadre budgétaire contraint et de contrats opérationnels évolutifs allant de la posture permanente de sûreté aérienne à de potentiels engagements majeurs et/ou de haute intensité. Le maître-mot à retenir en ce qui concerne cette seconde thématique, c’est le poids de la donnée dans les innovations en matière de MCO. Maîtriser son exploitation via l’automation représente en effet une opportunité, octroyant notamment aux maintenanciers un gain en temps et en efficacité opérationnelle dans la mesure où elle leur permet de se recentrer sur leur cœur de métier.
Mais une telle ambition constitue également un défi à part entière tant le volume de données captées est impressionnant. A titre d’exemple, sur les 200 000 capteurs qui produisent de la donnée sur un A400M, seules 5 000 informations sont exploitées. Or la donnée – surtout si elle est astucieusement associée aux avancées en matière d’intelligence artificielle - est ce qui permet les innovations dans de multiples domaines allant de la maintenance prédictive à l’analyse de l’empreinte carbone, objet du second panel de la journée.
Les experts réunis au sein de ce dernier ont pu démontrer, sur la base de cas très concrets, qu’il est possible de concilier transition énergétique et performance opérationnelle : hybridation des moteurs, mais aussi remplacement de la flotte d’Alpha jets par des PC21 turbo-propulsés (lesquels améliorent la préparation des Aviateurs à la gestion des systèmes embarqués tout en contribuant à la décarbonisation) sont parmi les nombreux exemples cités. Parmi les obligations d'innovations, et parfois dans des délais courts, le respect du Règlement REACH de l’Union européenne (lequel interdit certaines substances chimiques préoccupantes pourtant essentielles dans le domaine de l’aéronautique et du MCO-A) fait partie des défis à relever. Institutions militaires et industriels ne ménagent en tout cas pas leurs efforts pour faire avancer les recherches pour concilier objectifs de durabilité et efficacité opérationnelle, lesquels s’ils s’avèrent à première vue contradictoires, s'avèrent possible et même convergents, ainsi qu’en ont témoigné les exemples concrets cités par les panélistes.
La thématique de la troisième journée de ce cycle de conférences reflétait l’accueil des jeunes sur la BA106, puisqu’il fut question de recrutement, de formation et de fidélisation. Le premier panel réunissait des experts venant de mondes très différents (militaires de l’armée de l’Air et de l’Espace, universitaires, industriels, associations - avec en particulier l’association BAAS -, mais aussi France Travail) tous au diapason dans leur diagnostic d’un marché caractérisé par une reprise de l’activité et une offre d’emplois particulièrement dynamiques, mais aussi par la difficulté à recruter au sein du segment « Bac Pro – Bac + 2 ».
Si l’armée de l’Air et de l’Espace, qui doit recruter 4000 jeunes par an (dont 800 sergents, sous-lieutenants et lieutenants dédiés MCO-A), peine à faire comprendre qu’il existe d’autres métiers que celui de pilote, l’industrie, elle, doit faire face à des carnets de commandes qui s’envolent et à une pénurie d’avions tant dans le domaine civil que dans le domaine militaire.
Une des différences par rapport à il y a dix ans est notamment la nécessité d’« aller au-devant des candidats » et de fidéliser la génération Z. Si la formation – objet du second panel de cette dernière journée - « vient servir l’emploi », elle se heurte à deux écueils :
- d’une part, la rançon du succès de formations particulièrement efficaces conduisant les jeunes Bac Pros à poursuivre leurs études pour devenir ingénieurs – donc ne comblant pas les besoins en compagnons et techniciens – ;
- et d’autre part, la fatigue des tuteurs et le manque de ressources de certaines entreprises pour accompagner apprentissage et alternance.
Virtualisation, simplification administrative et modularité font partie des solutions qui ont été évoquées pour permettre une accélération des formations, laquelle serait capable, en toute sécurité, de faire face tant aux besoins MCO-A d’aujourd’hui qu’aux exigences d’une montée en puissance rapide si la perspective d’un conflit majeur et de haute intensité devait devenir réalité.
Photo © M. Delaporte
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